Al Bayane : D’où est venue l’idée de créer une organisation syndicale pour les travailleurs immigrés au Maroc?
Marcel Amiyeto : Eu égard aux nombreuses difficultés rencontrées par les travailleurs étrangers au Maroc, notamment l’absence de couverture sociale, les conditions précaires de travail, le refus d’octroi de cartes de séjour, les arrestations et refoulements au désert, l’idée m’est venue de mettre sur pieds ce syndicat afin de défendre les droits des travailleurs étrangers conformément à la convention internationale sur la protection de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles. J’ai surtout été affligé par le cas d’un ressortissant sénégalais qui a perdu ses quatre doigts dans une usine de fabrique de marbre à Rabat. Au lieu d’être pris en charge par l’entreprise, il a été malheureusement abandonné par son employeur sans aides ni contrepartie. J’ai par ailleurs été profondément affecté par le décès d’un travailleur congolais dû à un accident de travail.
Quels ont été les facteurs favorables à la création de l’ODT-Immigrés ?
Lorsque l’idée de créer un syndicat m’est venue dans les années 2010-2011, les circonstances politiques du Maroc ne permettaient pas aux étrangers de créer leur propre centrale syndicale. Mais les réformes constitutionnelles enclenchées par le Maroc en juillet 2011, et marquées entre autres par la reconnaissance de certains droits aux étrangers résidant au Maroc, ont favorisé la création de ce syndicat. A ce facteur constitutionnel s’ajoute bien évidemment la ratification et la publication le 02 août 2011 de la convention internationale de tous les travailleurs migrants et des membres de leurs familles dans le Bulletin Officiel du Maroc. Conformément à la modification statutaire initiée lors de son 1er congrès national en mars 2012, l’ODT centrale syndicale, a accepté de nous affilier, faisant preuve ainsi d’un courage politique et de son militantisme dans la défense des droits des travailleurs migrants.
Quand a été créée l’ODT-Immigrés ?
L’ODT-Immigrés a vu le jour officiellement lors de son 1er congrès national constitutif le 1er juillet 2012, auquel ont participé plus de 260 travailleurs immigrés de diverses nationalités et de différentes villes du Maroc. Ce congrès a été marqué par la présence de certaines organisations syndicales nationales et internationales de défense des droits de l’Homme et du corps diplomatique de certains pays subsahariens tels que l’Angola, le Benin, la Guinée, la Côte-d’Ivoire et le Congo Brazzaville.
Quels sont les objectifs de l’ODT-Immigrés ?
De manière générale, l’ODT-Immigrés entend défendre sur tous les plans sans distinction et de manière active les droits des travailleurs migrants au Maroc. Elle a aussi pour objectif de participer à la mise à niveau et la qualification des travailleurs subsahariens dans le domaine informatique, linguistique par l’enseignement de l’arabe dialectal, pour les rendre plus efficaces. Elle apporte aussi à ses adhérents de l’assistance juridique et sociale.
Quels ont été les réalisations de l’ODT-Immigrés ?
Avant la création officielle du syndicat, nous avons participé pour la première fois au Maroc, au défilé du 1er Mai (fête du travail) grâce à l’ODT centrale. En sept mois d’existence, nous avons entrepris et réalisé un large éventail d’activités. Nous avons participé, entre autres, au séminaire du 04 juillet 2012 organisé par la Communauté marocaine résidant à l’étranger (CCME) en collaboration avec les PICUM, IPPR, UE à Rabat. Nous avons également mené une campagne de sensibilisation auprès de la Coordination maghrébine des droits de l’Homme et avons organisé plusieurs conférences de presse au cours desquelles nous avons dénoncé sans relâche la maltraitance et les abus sexuels dont sont victimes les travailleuses domestiques immigrées. Nous avons pris part aux travaux du forum social sur la migration tenu à Oujda en Octobre 2012 et en Décembre 2012 avons célébré la journée des migrants. Nous avons entrepris plusieurs démarches en faveur de l’inscription des enfants d’immigrés dans des établissements publics nationaux et avons apporté une assistance sociale aux travailleurs immigrés et aux membres de leurs familles. Une assistance juridique a été portée également aux travailleurs licenciés abusivement, et ceux dont les salaires étaient impayés et les passeports confisqués.
A quelles difficultés est confrontée l’ODT-Immigrés?
Malgré les réformes constitutionnelles, nous n’avons pas une totale reconnaissance officielle de la part des autorités marocaines en tant qu’interlocuteurs des travailleurs migrants. Ceci nous empêche d’intervenir d’une manière efficace auprès des employeurs en cas de nécessité. Nous enregistrons toujours de nouveaux cas de licenciements dus au refus de renouvellement du contrat ANAPEC des travailleurs étrangers. L’une des questions épineuses rattachée à cette question de contrat ANAPEC, c’est la question de la carte de séjour dont le renouvellement devient plus difficile. D’autres cas de maltraitance, surtout chez les femmes de ménage d’origine philippine, sont aussi enregistrés. Au niveau interne, nous manquons de budget de fonctionnement dû entre autres au manque de subventions.
Quels sont les projets futurs du syndicat ?
Nous envisageons créer un centre d’assistance juridique pour les travailleurs migrants, scolariser des enfants issus des familles de migrants et faire une identification des travailleurs immigrés en vue de leur régularisation. Nous comptons aussi former des avocats marocains sur les conventions internationales pour rendre plus effectifs et efficients les plaidoyers en faveurs des travailleurs
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